Etape 1 : Skogar – Þórsmörk

La journée débute en réalité bien avant Skogar : à Reykjavik où nous avons passé la nuit après notre arrivée en avion. Le lever s’effectue à 6H, histoire de prendre le petit déjeuner et de préparer les sacs avant de monter dans la navette gratuite qui nous emmène au BSI. De là, nous prenons un bus qui nous conduira jusqu’à Skogar. Le rythme est tranquille, arrêts réguliers dans les stations services, dans les lieux touristiques proches de la route (chutes de Seljalandsfoss)… A chaque fois, le chauffeur nous octroie 10 ou 15 minutes.

Après environ trois heures de bus, nous arrivons à Skogar pour le déjeuner (11h40). Le temps est typiquement islandais : vent fort et pluie fine. Nous nous installons sur la table disponible sur le côté de la baraque du camping. Le repas est vite avalé, nous avons hâte de commencer. Après quelques photos de la chute d’eau imposante de Skogafoss, nous entamons… par un escalier ! Comme dans tous les lieux touristiques, les Islandais ont remarquablement aménagé le parcours, on y perd un peu sur le côté nature et sauvage des lieux, mais si cela préserve les lieux de l’érosion, alors je ne peux qu’approuver.

Le chemin longe un torrent au débit important qui tombe de la montagne en une succession de cascades, trente ou peut-être quarante au total, de toutes tailles. Le balisage s’avère parfois approximatif, heureusement le passage est important sur cette portion et nous parvenons sans peine à nous y retrouver. Nous croisons alors deux gars qui descendent, nous entamons la discussion et comprenons qu’il ont rebroussé chemin au niveau d’un pont un peu avant Þórsmörk, à priori, c’est la tempête là-bas. Un pont, nous en passons bien un un peu plus tard, il pleut effectivement, mais pas d’inquiétude, ce n’est que la dixième averse depuis le départ. Après tout, nous sommes aussi venus pour marcher sous la pluie, ça fait partie des incontournables de l’Islande !

Petit à petit, cependant, le vent souffle de plus en plus fort, la pluie tombe de plus en plus souvent et le chemin est de moins en moins bien indiqué. Nous commettons alors notre première erreur en n’enfilant pas nos pantalon étanches, sous prétexte que les pantalons de rando sont déjà bien humides et ne sècheront pas en-dessous. Nous continuons de suivre les traces que les deux Allemands partis un peu avant nous laissent tour à tour dans les cendres de l’Eyjafjallajökull et dans des névés.

Nous traversons un glacier qui commence à fondre en surface. La marche dans la sloche est un régal pour qui aime tremper ses chaussures, autant dire que nous n’apprécions que très modérément l’exercice. Nous sommes maintenant complètement trempés, la pluie tombe en permanence et les pantalons étanches, bien au sec dans les sacs, ne serviront plus à rien, le mal est fait.

Le couple de Tchèques partis après nous commence à nous rattraper. Enfin, nous apercevons les gros poteaux qui indiquent le chemin à l’approche du col de Fimmvörðuháls. Le premier refuge est déjà derrière nous, le chemin n’y passe pas. Nous approchons de ce qui devait être l’aire de camping, mais elle reste introuvable, perdue sous la cendre de l’éruption de l’an dernier. Initialement, nous devions y camper, mais vu le temps, nous sommes peu enclins à planter la tente. Les Tchèques nous rejoignent à l’approche du second refuge et choisissent un autre chemin que celui qui est balisé. Nous les appelons en vain, le vent couvre nos voix.

Leurrés par une météo qui a l’air plus clémente après le passage du col, nous décidons de poursuivre jusqu’à la vallée suivante : Þórsmörk où doivent se rendre également les Tchèques. Nous sommes rassurés par cette perspective et aussi par l’impression que nous sommes toujours en train de suivre les traces les Allemands qui nous servaient de point de mire. C’est notre seconde erreur, et la plus grosse. Nous comprendrons bien après que tous se sont arrêtés au refuge. A partir de maintenant, nous allons traverser une véritable tempête avec des vents qui parviennent à nous soulever malgré le poids des sacs-à-dos. Le grésil nous pique le visage. Le brouillard est omniprésent, dans ces conditions, le GPS devient un allié précieux ; nous ne remercierons jamais assez ourfootprints.de d’avoir mis la carte en ligne.

Nous continuons cependant, passons un cratère de l’éruption de l’an dernier, marchons sur un second, traversons un champ de lave et finalement nous passons le col et entamons enfin la descente. C’est à ce moment que le vent emporte la housse de pluie de mon sac-à-dos, à proximité d’une cascade qui coule… vers le haut !!! L’envie de s’extasier sur ce phénomène rare, n’est plus là, nous sommes trempés, les mains gelées malgré les gants et le temps nous semble déjà trop long. Nous arrivons devant un dernier poteau, le chemin semble presque s’arrêter ici. A postériori, à cause du temps ou du balisage ou  plus  probablement de la fatigue, nous nous sommes écartés de  l’itinéraire  normal du trek à partir de cet endroit pour nous engager dans la vallée de la  Hvanna. Ceci dit,  même en y repensant, je cherche en vain un autre  chemin.

Une chaîne scellée dans la roche conduit à un névé incliné à 45°. Trop tard pour reculer, nous nous engageons sur le névé, le moral dans les chaussettes… Chaussettes par ailleurs trempées, un doux bruit de succion accompagne chacun de nos pas, comme quoi le Gore-Tex a ses limites. Annaïg commencer à craindre le pire, je n’en suis pas encore là, je suis certain d’arriver, reste à savoir dans quel état et à quelle heure. Hors de question de se laisser piéger le premier jour.

Quelques centaines de mètres plus bas, nous commençons une longue progression à flan de montagne avec la désagréable impression que nous n’arriverons jamais. Nous sortons le GPS toutes les 15 minutes pour vérifier que nous ne faisons pas du sur place, mais la distance restant à parcourir semble s’allonger à chaque pas. La pluie tombe toujours mais le vent s’est calmé ; ce n’est néanmoins pas suffisant pour nous remonter le moral qui est écrasé par la fatigue et le poids des sacs-à-dos. Le chemin détrempé surplombe des parois verticales parfois hautes de près de cent mètres. Ma peur du vide commence à entrer en jeu, mais l’envie d’arriver est la plus forte.

Enfin, nous apercevons les huttes du refuge Básar de Þórsmörk en contre-bas. Les derniers hectomètres sont les plus longs qui soient. Annaïg marche maintenant devant, au courage. Paradoxalement, la voir reprendre du poil de la bête m’abat encore plus, je me sens épuisé, je la suis comme un automate. Ce soir, nous dormons au refuge pour faire sécher nos habits et nos sacs. Planter le tente et faire à manger sous la pluie est tout simplement inimaginable dans l’état moral où nous sommes.

Après avoir mis nos habits, sacs et chaussures à sécher, nous nous offrons le luxe d’une bonne douche chaude. Puis vient l’heure de manger, l’occasion de se rendre compte que nous n’avons presque ni mangé ni bu de toute la journée, la faute au temps qui nous a détourné l’esprit et ne nous donnait vraiment pas envie de nous arrêter. Ce premier soir, nous devons presque nous forcer à avaler notre purée au fromage, qui nous paraît pourtant délicieuse.

Nous nous couchons vers 23h30 sans s’être réellement rendus compte à quel point il était tard, perturbés par la luminosité qui règne encore. Annaïg s’endort immédiatement, comme toujours. Pour ma part, les jambes me font souffrir et j’ai du mal à trouver une position confortable.

Les chiffres de l’étape d’après  l’altimètre :
Dénivelé positif : 1684m (à 6m/min)
Dénivelé négatif : 1488m (à 8m/min)
Temps : 9h30
Point culminant : 1190m / la vraie valeur est d’environ 1060m
Avec le recul ces chiffres sont assez hallucinants, mais cela nous soulage un peu de voir que l’altimètre a vécu la même journée que nous : sans fin et bien plus difficile que prévue.

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